
16 Mai La robustesse plutôt que la performance
Dans son livre, Antidote au culte de la performance, la robustesse du vivant (Gallimard 2023), Olivier Hamant, chercheur en biologie de l’ENS Lyon, oppose le concept de “performance” au concept de “robustesse”.
La performance tend à l’optimisation extrême, autant sur le plan des cultures que sur le plan économique : optimisation des ressources, réduction des coûts, maximisation des résultats… pour un maximum de rentabilité immédiate, etc.
Mais cette optimisation permanente, qui marque notre société occidentale depuis des décennies, fragilise les systèmes et engendre de grandes vulnérabilités, comme nous pouvons le constater dans notre économie ou dans les défis écologiques de notre temps. Elle se fait souvent aux dépens des équilibres humains et biologiques et même souvent aux dépens de la vérité.
La robustesse, elle, cherche à vivre dans la durée, en favorisant la flexibilité, la capacité à tenir bon dans les situations difficiles : elle intègre les paramètres de l’hétérogénéité, de la redondance, de la lenteur, des incohérences… Elle prend en compte les réalités biologiques, humaines ou économiques telles qu’elles sont et travaille à leur permettre de vivre dans la durée, à surmonter les épreuves qu’elles traverseront inévitablement.
La robustesse cherche la circularité plutôt que l’efficience ; elle s’appuie sur ce qui existe déjà et qui est solidement éprouvé plutôt que d’attendre tout de la high-tech ; elle met en valeur l’usage plutôt que la propriété, la recherche participative et la capacité à gérer les différences plutôt que d’éviter à tout prix les conflits, l’intérêt et l’attention au rythme de travail plutôt que le gain à tout prix, etc.
Il me semble que cette distinction est également pertinente sur le plan de la vie avec le Christ : la vie chrétienne, elle aussi, ne cherche pas la performance, elle cherche la robustesse.
Si Jésus avait cherché la performance, il n’aurait sans doute pas choisi les douze apôtres qu’il a appelés… et, en tout cas, ne les aurait pas renouvelés dans leur mission après la débâcle de la passion…
La lecture des “Actes des Apôtres” nous fait découvrir, au contraire, combien l’Esprit Saint oblige les apôtres à s’ouvrir en permanence à la diversité et à la prise en compte des fragilités de chaque communauté ; il ne cherche pas la rentabilité et la performance, mais travaille à l’enracinement dans la foi, à l’unité des communautés et à la promotion de la charité avant tout.
L’évêque qui m’a ordonné, Mgr Favreau, disait à ses prêtres : “ne cherchez pas à être des prêtres brillants mais des prêtres fidèles”…
En ce temps de Pâques, où certains ont l’impression que les efforts de Carême sont retombés et qu’il est difficile de rester dans la dynamique de la “performance spirituelle”, il me semble que nous devons surtout demander à l’Esprit Saint de travailler en nous la robustesse spirituelle.
Accepter de nous laisser travailler par l’Esprit Saint tels que nous sommes, nous convertir non pas d’abord pour faire toujours plus, mais pour être plus enracinés dans la Parole de Dieu, soucieux de collaborer avec ceux qui nous entourent, d’avancer pas à pas avec l’aide des autres sur le chemin de la foi, voilà ce qui nous est proposé pendant ce long temps de Pâques.
Bonne route !
Henri de La Hougue