Lancée en 1645, la reconstruction de l’église durera un siècle. Plusieurs architectes mèneront les travaux, en suivant les plans de D. Gittard (1660). Le résultat, très homogène, est une heureuse synthèse entre les traditions gothique et classique. Du gothique on retient le plan : nef et bas-côtés, transept peu saillant, chœur arrondi et chapelles rayonnantes, et le sens de l’élévation, avec une voûte culminant à 33 m de hauteur. Classique est le vocabulaire ornemental rappelant l’antiquité chrétienne, ordre corinthien, voûte en berceau percé de grandes baies, mais surtout un esprit de cohérence de l’espace et de grandes perspectives. L’ensemble répond au grand programme de la Réforme catholique du concile de Trente (1542-63) : rapprocher les fidèles de l’autel, favoriser la visibilité et la réunion de la communauté paroissiale, par un édifice vaste, dégagé et lumineux.
Chantier gigantesque, les difficultés financières ralentiront son achèvement. La consécration de l’édifice n’eut lieu qu’en 1745. Mais les tours ne sont pas encore construites !
Malgré la Révolution française, la plupart des œuvres d’art majeures ont réintégré leur emplacement d’origine. De ce fait, Saint-Sulpice est un des rares lieux qui permettent de comprendre le sens des œuvres en lien avec leur environnement, car dans une église les œuvres d’art ne servent pas d’abord à décorer, mais à être des signes pour ceux qui les regardent, à matérialiser l’invisible.
Le plan de l’église en forme de croix, crée deux axes principaux. L’axe longitudinal, d’ouest en est, réunit aux yeux de celui qui pénètre dans l’église les trois mystères fondamentaux de la foi chrétienne :
– l’Incarnation de Dieu fait Homme en la personne du Christ, dévoilant au fond de l’église la Vierge à l’Enfant de J-B. Pigalle (1755)
– la Passion et la Crucifixion de Jésus, mort pour le Salut du Monde, œuvre du bronzier L-I. Choiselat (1827)
– la Résurrection, victoire sur la mort, brille de la lumière de l’aube au vitrail central du chœur (1672)
Le thème de la Passion est amplifié par deux statues d’E. Bouchardon (1741) : au sud la Vierge des douleurs, pleurant son fils ; au nord Jésus, à nouveau représenté, dans une remarquable synthèse iconographique, alliant Passion, Crucifixion et Résurrection en une seule œuvre. Ces œuvres, à la fois monumentales et touchantes, sont considérées comme des jalons de la sculpture du 18e siècle.
Cet axe est croisé par un autre, plus petit, celui des transepts sud et nord. D’un côté se trouvent deux figures marquantes du début de la vie du Christ, Joseph, qui l’éduqua, et Jean-Baptiste qui le baptisa. De l’autre côté, les deux figures qui vont annoncer la Bonne Nouvelle, Pierre et Paul (statues monumentales de F. Dumont (1725) et peintures de F. Lemoyne et C. Hallé) . Au centre, à la croisée du transept, l’autel, lieu de la Présence du Christ.
Première des disciples, Marie, mère de Jésus, est célébrée dans la chapelle axiale, la plus grande des chapelles qui entourent le vaisseau central. Elle a toujours fait l’objet d’un soin spécial des sulpiciens, dont elle est la patronne, et des paroissiens. Embellie tout au long du 18e siècle, nous la découvrons aujourd’hui dans un état proche de ce qu’elle était en 1770. Au plafond, la fresque de F. Lemoyne (1731) magnifie la montée au Ciel de Marie, entourée des chrétiens de toutes les époques et leur montrant la voie. Son état ne permet pas d’apprécier la délicatesse de ses coloris.
Au dessus de l’autel, le mur s’ouvre pour dévoiler une vision, celle de la Vierge de l’Apocalypse, identifiée à Marie, portant son fils dans ses bras, écrasant de son talon le serpent image du Mal. Le concepteur de cette mise en scène impressionnante, C. De Wailly, s’inspire là d’une structure conçue par le cavalier Bernin au 17e siècle, afin de créer avec la matière une image du surnaturel qui pénètre notre monde.
Dans l’esprit classique de la réforme catholique française, l’art permet d’émouvoir -toucher par les sens -, d’éduquer – toucher par la raison -, afin de convaincre. Il s’agit moins de plaire que de convertir les cœurs.
Au chœur se réunissaient les prêtres lors des célébrations. C’est aussi le lieu des offices chantés, ce qui explique son nom. Les stalles furent remplacées au 19e siècle par celles de l’ancienne abbatiale de Saint-Denis. Au dessus d’elles veillent les Apôtres, Piliers de l’Église naissante. Réunis, comme au jour de la Pentecôte, ils rappellent la continuité de la communauté chrétienne des premiers temps à nos jours, grâce au souffle de l’Esprit Saint.
Saint Pierre, second patron de la paroisse, est représenté à plusieurs reprises dans l’église, en vitrail (1673) en pierre par E. Bouchardon (1741) par J. Franchsci (1864) au dessus de la sacristie des messes, et par E-E. Thomas (début du 19e) sous le péristyle. Ses attributs, les clefs du Paradis, sont aussi présents dans le transept nord (A. Slotz, 1740) et dans la sacristie (vers 1730).
Les chapelles latérales, qui entourent le déambulatoire sur toute la longueur de l’église, forment comme une couronne de petits sanctuaires qui mettent en valeur les différentes figures de sainteté, exemples à suivre pour chaque chrétien afin d’approfondir sa relation à Dieu. Elles furent redécorées tout au long du 19e siècle par des grands noms de la peinture romantique et néo-classique, comme E. Signol (bras du transept, 1873) et F-J Heim (chapelle des Âmes du Purgatoire, 1845) , et d’autres moins connus aujourd’hui comme C. Landelle (chapelle Saint Joseph 1875).
La chapelle Saint Jean-Baptiste contient l’un des rares grands monuments funéraires du 18e siècle encore conservé à Paris à son emplacement d’origine. Œuvre de M-A Slotdz (1757) elle fut commandée par les paroissiens en souvenir du J-B Languet de Gergy, curé de 1714 à 1748. Élégante synthèse des influences italiennes et françaises, elle présente une composition équilibrée aux figures expressives. L’immortalité arrache l’âme du défunt au voile de la mort et de l’oubli. La raison de ce salut n’est pas tant l’œuvre de reconstruction de l’église, pour laquelle on se souvient de lui encore aujourd’hui, mais, comme l’indiquent deux petits angelots au bas du monument pour sa foi et sa charité. Son épitaphe précise : « ingénieux à découvrir la misère, prodigue pour la soulager, il secouroit les indigens, indigent lui même, leur donnoit des vêtements et lui même s’en refusoit, il les nourissoit et se privoit lui-même d’aimens : procurant aux pauvres les trésors des riches, et aux riches les prières des pauvres. »
Plusieurs chapelles ont été restaurées. La dernière chapelle restaurée est la chapelle Saint Joseph.
Si vous souhaitez participer à d'autres restaurations de chapelles, faites votre don via la Fondation Avenir du Patrimoine à Paris.
il fut commandé par les paroissiens en souvenir de J-B Languet de Gergy
D’autres installations rappellent la vie quotidienne des paroissiens. La chaire, comme suspendue dans les airs, était le lieu par excellence de l’enseignement, placée au centre de la nef, afin que tous puissent bien entendre le prédicateur. La prédication devait être fondée sur les Écritures – comme les socles des rampes de la chaire sont ornés des figures symboliques des quatre évangélistes – être inspirée de l’Esprit Saint – signifiée sous la forme d’une colombe sous l’abat-voix – et inspirer aux auditeurs les trois vertu chrétiennes par excellence ; la Foi, l’Espérance et la Charité – représentées sous la forme de trois allégories féminines.
Le combat spirituel mené par chaque être humain tout au long de sa vie a trouvé l’une de ses représentations les plus achevées sous le pinceau d’E. Delacroix (1861) lorsqu’il peignit les murs de la chapelle des Saints Anges. Les caractéristiques de sa peinture, souffle dynamique, vivacité, construction très étudiée, trouvent dans ces sujets un remarquable moyen d’expression, tout en permettant de faire surgir le sens spirituel de ces récits.
Les préoccupations intellectuelles des contemporains n’échappaient pas à l’intérêt du clergé. J-B Languet de Gergy au début du 18e siècle, curieux des questions scientifiques de son temps, permit ainsi la réalisation de mesures astronomiques dans l’église, dont le célèbre gnomon est le témoin. Instrument d’observation de la course du soleil, il eut pour but de résoudre certaines interrogations quant au mouvement de l’axe de la terre. Bien qu’il n’ait plus d’usage scientifique, il n’a pas cessé de fonctionner depuis l’époque de son concepteur P-C Le Monnier (1744-91), faisant apparaître, les jours de beau temps, une tache de lumière qui circule dans le transept, franchissant une ligne métallique au sol au moment de son apogée dans le ciel, le midi solaire.