Garder l’espérance dans la tempête

Garder l’espérance dans la tempête

Alors que la France a subi lundi dernier un nouveau rebondissement politique avec la démission d’un gouvernement, quelques heures seulement après son entrée en fonction, la situation semble bien bouchée et une double tentation nous guette :

  • celle de la lassitude et de la perte d’espérance: la France est de toute façon ingouvernable ! Notre endettement est tel qu’on ne pourra jamais en sortir ! Nous n’avons plus les moyens de peser sur les décisions internationales !
  • celle du repli sur soi: puisque nous ne pouvons sortir de cette situation ensemble, assurons-nous au moins de conserver nos propres intérêts.

Face à cette double tentation, il est bon de nous demander comment l’espérance chrétienne doit trouver sa place dans ce contexte difficile. Car si nous, chrétiens, ne portons pas ce regard d’espérance, qui le fera ?

Précisons d’emblée que le regard d’espérance n’est pas un regard naïf qui consisterait à voir dans la crise sociétale et politique un soubresaut passager ou bien à ignorer l’ampleur des défis à relever ou bien encore à minimiser les enjeux politiques et les ambitions de chacun des partis et de leurs représentants.

Le regard d’espérance est nourri par l’idée que le salut est donné par Dieu et ne trouvera son accomplissement ultime qu’à la fin des temps. Ce que nous vivons à présent, c’est une coopération à la mise en œuvre de ce royaume de Dieu, chacun à son niveau.

Cela veut dire qu’il ne faut pas faire dépendre notre bonheur d’une recherche toujours plus grande de confort et de richesse, mais plutôt de la mise en œuvre commune, là où nous vivons, d’un monde plus juste et plus fraternel où la présence de Dieu vient enrichir notre vie quotidienne.

Le regard d’espérance consiste aussi à croire que nous pouvons toujours sortir de situations d’échec et d’enfermement pour grandir vers une autonomie épanouissante. C’est vrai pour une personne, c’est aussi vrai pour un État. Mais cela nécessite que nous acceptions de regarder en vérité nos limites et nos blessures, pour élaborer un programme qui va nous amener pas à pas vers cette autonomie.

Il s’agit donc d’abord de faire un constat réaliste sur notre situation économique :

  • oui, nous vivons au-dessus de nos moyens et la dette colossale de la France engage à moyen et à long terme le bien des générations à venir ;
  • oui, nous avons pu profiter de protections sociales qui étaient parmi les meilleures du monde et nous ne parvenons plus à les maintenir en l’état.

Il n’y a pas de solution miracle. Le poids de la dette n’est pas une fatalité, mais il est une réalité dont il faut se sortir et pour cela, accepter de ne plus vivre à crédit, quitte à accepter une baisse de nos moyens.

Le regard d’espérance consiste à ne pas nous renfermer sur nous lorsque nous nous sentons menacés, mais à ouvrir nos cœurs pour œuvrer ensemble à la reconstruction.

Chacun doit le faire à son niveau, pour travailler au bien commun : responsables politiques, chefs d’entreprises, employés, délégués syndicaux, retraités, fonctionnaires de l’État, personnels des institutions éducatives ou de soin… 

Là où nous le pouvons, chacun à notre niveau, nous devons essayer de faire fonctionner le dialogue pour que nous puissions accroître le désir de solidarité et le sens de la fraternité, et œuvrer ensemble au bien commun. Et même si certains refusent de le faire, faisons-le déjà à notre niveau.

Porter un regard d’espérance c’est aussi regarder avec attention tous ceux qui vivent dans des situations bien plus difficiles que les nôtres.

Notre situation en France est moins confortable qu’elle ne l’était il y a 30 ans, mais elle reste une situation extrêmement privilégiée quand on la compare à celle de nombreuses personnes qui, dans le monde, vivent de manière extrêmement précaire, dans des pays en proie à la guerre, aux conflits, aux catastrophes humanitaires.

L’idéal serait donc que notre fragilité politique, économique et sociale, au lieu de nous enfermer sur nos acquis, nous ouvre à une plus grande solidarité et une attention accrue envers ceux qui vivent dans des situations plus difficiles.

Henri de La Hougue

James Tissot (Nantes, France, 1836–1902, Chenecey–Buillon, France). The Healing of Ten Lepers (Guérison de dix lépreux)1886–1896. Opaque watercolor over graphite on gray wove paper, Image: 6 x 9 5/8 in. (15.2 x 24.4 cm) Sheet: 6 x 9 5/8 in. (15.2 x 24.4 cm). Brooklyn Museum, Purchased by public subscription, 00.159.161. (Photo: Brooklyn Museum)