07 Nov Dilexi te
Le pape Léon XIV vient de publier, le 9 octobre 2025, sa première exhortation apostolique sur l’attention de l’Église envers les pauvres et pour les pauvres.
Il reprend un travail inachevé du pape François et nous explique pourquoi cette question est non seulement actuelle mais cruciale. L’exhortation s’intitule “Dilexi te”, “Je t’ai aimé”, ce que dit le Seigneur à la communauté de Philadelphie, qui n’avait ni importance, ni ressources (Ap3,9).
Voici un résumé des 3 premiers chapitres de l’exhortation. Celui des 2 derniers fera l’objet de l’édito de la semaine prochaine.
(Les numéros donnés entre parenthèses renvoient aux chapitres du texte).
Le premier chapitre, “Quelques paroles indispensables”, nous rappelle que la condition des pauvres est un cri qui, dans l’histoire de l’humanité, interpelle constamment notre vie, nos sociétés, nos systèmes politiques et économiques et, enfin et surtout l’Église (9). Cette pauvreté a plusieurs visages : matérielle, sociale, morale, spirituelle, culturelle…
L’engagement concret en faveur des pauvres doit s’accompagner d’un changement de mentalité susceptible de se répercuter au niveau culturel (11), car le risque est grand, dans notre société de consommation, de ne plus voir les pauvres ou de ne plus les considérer.
Les règles économiques qui se sont révélées efficaces pour la croissance ne l’ont pas été pour le développement intégral de l’être humain (13). On doit en effet malheureusement constater que notre culture tolère avec indifférence que des millions de personnes meurent de faim, ou survivent dans des conditions indignes de l’être humain.
Même les chrétiens risquent de se laisser entraîner par cette mentalité. C’est pourquoi il nous faut toujours relire l’Évangile pour garder notre vigilance et notre attention envers ceux qui ont besoin de nous (15).
Le deuxième chapitre, “Dieu choisit les pauvres”, nous rappelle que l’option préférentielle pour les pauvres n’est pas une exclusion envers d’autres groupes, mais veut simplement montrer combien Dieu est pris de compassion pour la pauvreté et la faiblesse de l’humanité toute entière. L’Ancien, comme le Nouveau Testament, présente Dieu comme l’ami et le libérateur des pauvres.
Jésus était un messie pauvre, comme cela apparaît au moment de sa naissance, puis dans sa vie itinérante, dans ses fréquentations, dans son attention pastorale envers les plus pauvres et les malades, dans sa prédication qui invite toujours à se préoccuper de ceux qui ont le plus besoin de nous.
On ne peut se prétendre chrétien sans chercher à étendre son amour aux pauvres. La parabole du jugement dernier en Mt 25 en est une belle illustration.
Cette insistance se trouve aussi dans les premières communautés chrétiennes « Si quelqu’un, jouissant des biens de ce monde, voit son frère dans la nécessité et lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeurerait-il en lui ? » (1Jn 3,17)
Le message donné par la Bible à ce sujet est si clair, si direct et si simple, qu’aucune interprétation ne peut le relativiser (31).
Le troisième chapitre, “Une Église pour les pauvres”, présente les pauvres comme la vraie richesse de l’Église.
Saint Laurent, à qui les autorités romaines demandaient de livrer les trésors de l’Église, amena les pauvres en disant « ce sont eux les trésors de l’Église » (38).
Les Pères de l’Église : saint Ignace d’Antioche, saint Polycarpe de Smyrne, saint Justin, saint Jean-Chrysostome, saint Ambroise, saint Augustin… tous enseignent que la charité n’est pas une voie facultative mais le critère d’authenticité du culte rendu à Dieu.
Saint Augustin dit même que lorsqu’on donne à un pauvre, on ne prend pas “sur ce qui nous appartient”, mais on lui rend “ce qui lui appartient”.
L’aumône est donc le rétablissement de la justice (43).
Les aumônes non seulement soulagent les besoins du frère, mais purifient également le cœur de celui qui donne, s’il est disposé à changer (46).
La fondation d’hospices et d’hôpitaux ou bien de congrégations religieuses consacrées aux plus pauvres et aux captifs de toutes sortes témoigne de cette priorité donnée aux pauvres dans la vie des disciples du Christ. La création des ordres mendiants, notamment les franciscains et les domincains, ont permis à l’Église de redécouvrir la fécondité d’un mode de vie consacré à l’image du Christ pauvre (63-67).
L’éducation des pauvres a toujours été aussi un lieu d’apostolat essentiel avec la fondation de congrégations masculines et féminines consacrées à l’éducation populaire (68-72).
L’accompagnement des migrants a toujours été pris en compte dans la Bible, parce que l’expérience de la migration fait partie de l’histoire du peuple de Dieu.
Plusieurs grands saints se sont distingués par la prise en charge pastorale des migrants, en créant pour eux des maisons d’accueil, des orphelinats, des hôpitaux, des lieux d’apprentissage.
Ils nous invitent à voir dans le migrant ou le réfugié, non pas d’abord un problème à affronter, mais un frère à accueillir, à respecter, à aimer… Une occasion que la Providence nous offre pour contribuer à la construction d’une société plus juste et plus solidaire, un monde plus fraternel et une communauté chrétienne plus ouverte selon l’Évangile (75).
Lors d’une de mes retraite, un séminariste a posé au prédicateur la question suivante : « comment savoir où et quand donner aux pauvres quand on est sollicité plusieurs fois par jours dans la rue et dans le métro ?« Le prédicateur avait répondu: « je ne peux pas te répondre précisément, mais je sais que le jour où tu ne te poseras plus cette question, c’est là qu’il y aura un problème!« .
Le but de l’exhortation n’est pas de nous culpabiliser face au drame de la pauvreté, mais une invitation à ne jamais baisser les bras et à essayer, là où nous le pouvons, de travailler à aider ceux qui ont vraiment besoin de nous.
Henri de La Hougue
Saint Laurent rassemble les pauvres et les malades, et les présente à l’empereur comme les vrais trésors de l’Église, 1400 / 1500 (XVe siècle), École d’Italie, Attribué à Mariotto di Nardo, MI 391, Musée du Louvre, Département des Peintures,