22 Mar Dieu seul est Dieu !
Comment comprendre que l’enfermement des chefs religieux vis-à-vis de Jésus ait pu aller jusqu’à sa condamnation à mort ? Qu’a donc fait Jésus pour susciter une telle opposition ?
Même si les circonstances précises de la condamnation à mort de Jésus ne sont pas très claires, l’évangile nous en donne quelques indices :
Du point de vue des chefs religieux qui se sont opposés à lui, on peut comprendre que le comportement de Jésus ait pu paraître potentiellement dangereux, d’autant que beaucoup de gens le considéraient comme un prophète.
Les sadducéens (proches du pouvoir et gérants du temple) le trouvaient irrespectueux envers le temple et remettant en cause certaines pratiques du culte.
Les pharisiens trouvaient qu’il remettait en cause l’enseignement de la tradition et la pratique de la loi et que sa fréquentation des pécheurs et des marginaux était subversive.
Du point de vue politique, les autorités juives le trouvaient dangereux, parce que même s’il ne prônait pas un messianisme politique, il pouvait, par la remise en cause de l’ordre religieux établi, déclencher un messianisme sauvage et, par contrecoup, une répression romaine.
Comme nous le révèle le livre des Actes (Ac 5, 36-37), la menace était réelle : de faux messies s’étaient récemment levés en Palestine et avaient entraîné à leur suite quelques centaines de personnes. Le siège de Jérusalem en 70 après Jésus-Christ et la destruction du temple, montrent bien que la relative autonomie politique de la Palestine à l’époque de Jésus était bien fragile.
Mais la question peut se poser aussi spirituellement : comment se fait-il que ceux qui auraient dû être les mieux préparés à accueillir le Messie le rejettent ? Comment ces chefs religieux en sont-ils venus à être les vignerons homicides dont parle Jésus (Mt 21,33-46). Comment ont-ils pu en arriver à un tel aveuglement face aux signes posés par Jésus ? Pourquoi n’ont-ils pas au moins essayé de comprendre ?
En lisant le petit livre d’Adrien Candiard sur le fanatisme (Du fanatisme – quand la religion est malade, Cerf, Paris, 2020), je trouve que son analyse peut être éclairante. Il montre comment, dès que la religion est réduite à un « faire », à des rites, ou à l’obéissance à des lois, aux dépens d’une relation vivante avec Dieu, elle présente un grand risque de tomber dans l’idolâtrie. Et plus on manipule ce qui touche à Dieu (l’Ecriture, les rites religieux, la loi religieuse…), plus le risque d’idolâtrie est grand : on peut ainsi facilement idolâtrer l’Écriture en absolutisant tel verset plutôt qu’un autre, en jetant des versets ou des commandements à la tête des gens, en oubliant que la Parole de Dieu est d’abord une relation vivante à entretenir. On peut idolâtrer telle pratique rituelle en en faisant un principe d’exclusion des autres… et on peut même idolâtrer une religion en en faisant un principe de vérité absolue, déconnectée d’une relation vivante avec Dieu. Ce fanatisme « consiste à tout avoir de la religion à l’exception de l’essentiel : il ne manque pas un bouton de guêtre, mais l’amour de Dieu reste introuvable. On s’efforce bien d’aimer Dieu comme un devoir, sans doute, mais on n’a pas commencé à accepter d’être aimé de lui. » (p.62).
On comprend alors l’insistance de Jésus à présenter l’amour de Dieu et l’amour du prochain comme deux commandements indissociables, son insistance sur la nécessaire prise de conscience de la miséricorde dont nous sommes l’objet de la part de Dieu, sur la miséricorde dont nous devons faire preuve vis-à-vis des plus pécheurs.
On comprend aussi que l’enfermement des autorités religieuses ait pu aller jusque-là, mais ce qu’il faudrait à présent c’est ne pas risquer nous-mêmes de tomber dans les mêmes enfermements. Ce qui nous en préserve n’est pas tellement d’être catholique, comme en témoignent malheureusement les heures les plus sombres de l’histoire de notre Église, mais c’est de toujours maintenir avec le Christ une relation vivante dans laquelle nous acceptons d’être des pauvres, nous laissant constamment interroger par lui et acceptant d’avoir des comptes à lui rendre sur l’amour dont nous aurons su témoigner, en son nom, vis-à-vis de tous ceux qu’il met sur notre route.
Père Henri de La Hougue