01 Oct Le Pape et les migrants
Aux JMJ le pape avait su trouver des mots assez simples pour parler à 1,5 million de jeunes catholiques. Les pèlerins étaient touchés de pouvoir le voir passer dans les allées tout à côté d’eux.
La venue du pape à Marseille a été également un très bel événement, bien relayé par les médias. Le cardinal Aveline a su mobiliser des chrétiens, des incroyants et des personnes d’autres religions, autour des enjeux humains et spirituels du pourtour méditerranéen et le discours du pape au Pharo en a bien souligné les contours : « la rencontre des cultures et des religions pour passer de la “division des conflits” à la “convivialité de la différence” ; la prise en compte des migrants qui ne doivent pas être vus comme des “envahisseurs”, mais comme des personnes qui ont une histoire et qui cherchent simplement à apporter de quoi manger à leur famille ; la priorité donnée à la charité dans les actions pastorales de l’Église et l’attention pastorale envers les jeunes, notamment les étudiants, pour les aider à mettre en œuvre une “créativité de la fraternité” ».
Pourtant, les discours du pape François, ne sont pas toujours faciles à accepter par de nombreux chrétiens qui trouvent qu’il va « toujours dans le même sens« , qu’il manque d’ouverture envers les personnes attachées à des liturgies traditionnelles, qu’il tient des discours culpabilisants et naïfs sur les migrants et le dialogue interreligieux.
Plusieurs chrétiens sont de ce fait un peu mal à l’aise, car d’une part, ils respectent, par principe, le pape et ce qu’il représente, mais d’autre part, ils ont du mal à accepter le contenu de certaines de ses interventions.
Voici quelques points de repère qui pourront aider à dépasser ce clivage. La diversité de sensibilité des papes est une chance pour l’Église. Au regard de l’histoire de la papauté, nous pouvons reconnaître la chance qui est la nôtre d’avoir, depuis des décennies, des papes qui vivent simplement, qui essaient d’être accessibles et à l’écoute de leur temps et qui n’ont pas de revendication de pouvoir. Chacun de ces papes a marqué son pontificat, avec sa sensibilité propre, stimulant les uns et agaçant les autres.
La diversité des sensibilités contribue à un équilibre d’ensemble qui permet à l’Église catholique de ne pas s’enfermer dans une sensibilité particulière. La sensibilité d’un pape est d’ailleurs connue par les cardinaux qui l’élisent et s’ils choisissent ce pape c’est qu’ils pensent que celui-ci pourra, avec ses charismes, sa sensibilité et l’aide de l’Esprit-Saint, guider l’Église pour les prochaines années.
Nous avons le droit, comme chrétiens, de ne pas partager la sensibilité de notre pape sur certains sujets et il ne faut pas que cela nous mette mal à l’aise. Un pape n’engage d’ailleurs pas l’infaillibilité de l’Église dans ses interventions ordinaires.
Mais il nous faut cependant accepter que ce pape, qui a été élu par les cardinaux du monde entier, puisse poser des questions et donner à l’Église des impulsions, même quand celles-ci nous dérangent. Nous croyons qu’avec l’ensemble de l’Église, il est conduit par l’Esprit-Saint et nous prions, en ce sens, pour lui, à chaque messe.
Sur la question des migrants, certains pensent que le pape François fait de la “politique” et que ce n’est pas son rôle, parce que son discours va trouver un écho favorable dans certains courants politiques. En réalité le pape ne cherche pas à favoriser un quelconque parti politique, mais à évoquer les points qui engagent la dignité de l’homme, comme l’ont fait ses prédécesseurs dans les grandes encycliques sociales de l’Église catholique depuis celle sur la condition ouvrière de Léon XIII, “Rerum Novarum” (1893). La plupart de ces encycliques n’ont pas été facilement reçues par les chrétiens. “Rerum Novarum”, qui insistait, d’une manière qui nous paraît aujourd’hui équilibrée, sur le juste salaire des ouvriers, sur le droit au repos hebdomadaire, sur les nécessaires associations professionnelles, a été jugée culpabilisante ou excessive pour beaucoup de patrons chrétiens.
Pourtant, avec le recul, l’Église est fière d’avoir été un vecteur de la dignité humaine et beaucoup de ses revendications sont aujourd’hui parfaitement intégrées dans notre pays.
Quelle autre personnalité aussi influente que le pape peut, aujourd’hui, pousser ce cri d’alarme pour que l’on considère les migrants comme des « personnes » plutôt que comme des “problèmes”, de telle sorte que les chefs d’États soient obligés de l’entendre et de prendre des mesures plus larges que de renforcer la police aux frontières ?
On peut penser que ce discours est naïf et que sa mise en œuvre est impossible, qu’on ne peut pas, comme a dit le président Macron, « accueillir toute la misère du monde« … Mais c’est justement parce que le pape n’est pas pris par la contingence économique et politique d’un État qu’il peut et doit pousser ce cri de la part des migrants. Son but n’est pas d’être culpabilisant, mais d’aider chacun à son niveau à une prise de conscience. Si les chrétiens ne rappellent pas au monde qu’une personne doit toujours être accueillie comme une personne qui a une histoire et qui est aimée par Dieu, ils passent à côté de l’Évangile.
Personne n’a envie d’avoir un afflux de migrants, sans emploi et sans logement, dans sa ville et le but du pape n’est pas de les favoriser, ni de nous obliger à nous en réjouir, mais simplement de nous rappeler que ceux qui arrivent sont des personnes à prendre en compte et à aider et que l’arrivée de toute personne, indépendamment des aspects purement économiques peut aussi être perçue comme une source d’enrichissement humain et spirituel.
Père Henri de La Hougue