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Il a livré son Fils pour nous

Il a livré son Fils pour nous

La méditation de Saint Augustin, proposée pour la 4e semaine, a suscité une discussion intéressante, qui peut nous aider à bien vivre cette semaine sainte.

Reprenant la lettre de Saint Paul aux Romains “Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous” (Rm 8,32), Augustin précise qu’à la différence de Judas qui a livré Jésus pour de l’argent, “le Père a livré son Fils par amour pour nous”.

Même si on comprend bien la différence d’intention entre Judas et le Père, il n’en reste pas moins que l’idée d’un Père qui livre son Fils à la mort par amour pour nous demeure difficile à comprendre.

Peut-on livrer un fils à la mort pour quelqu’un d’autre ? En quoi était-il nécessaire que le Père aille jusque-là pour nous sauver ?

Cette affirmation devient insupportable si on a en tête une image à la fois sacrificielle et juridique de la mort du Christ sur la croix, selon laquelle Dieu aurait eu besoin de compenser l’offense faite par le péché des hommes, par le sacrifice d’un innocent. Dieu aurait alors livré son fils innocent à la mort pour satisfaire son besoin de justice et compenser en quelque sorte l’injustice commise par le monde. Une sorte de nouveau sacrifice d’Isaac, mais qui, cette fois-ci aurait dû aller jusqu’au bout pour plaire au Père.

Cette approche qui trouve des fondements dans la théologie médiévale (Saint Anselme notamment) est très marquée par la culture féodale. Elle est aussi influencée par l’épître aux Hébreux, qui a voulu présenter la mort du Christ comme le sacrifice parfait par opposition aux sacrifices des grands prêtres dans l’Ancienne Alliance.

Mais une telle perception, si elle n’est pas inintéressante, parce qu’elle permet de mettre en valeur l’acte de confiance absolu que le Christ fait en offrant sa vie par amour pour l’humanité, ne rend pas compte de la dynamique d’ensemble de l’acte d’offrande du Christ.

Pourquoi le Fils est-il allé jusqu’à offrir sa vie : non pas pour “compenser” l’offense faite au Père, comme si celui-ci n’était pas prêt à pardonner sans condition, mais pour être solidaire avec l’humanité jusqu’au bout ? Jésus a vécu toute sa vie par amour pour nous : c’est pour cela qu’il a partagé notre humanité, qu’il a vécu sa vie publique, qu’il a accompli des signes, qu’il a constitué un groupe d’apôtres et de nombreux disciples. Il voulait manifester la miséricorde possible pour tous, y compris auprès des plus pécheurs ; la présence de Dieu à nos côtés jusqu’à la fin de notre vie ; et la victoire de la vie avec Dieu sur la mort. Comment aurait-il pu le manifester s’il avait fui au moment de son arrestation et de sa mise à mort ?

Quant au Père, il a livré son Fils par amour pour nous, non pas parce qu’il avait besoin d’un sacrifice, mais parce qu’il avait ce grand désir de témoigner par son Fils, qu’il était prêt à partager avec nous sa propre vie divine et qu’il ne pouvait le faire qu’en acceptant que son Fils passe par la souffrance et la mort que l’humanité lui a infligées.

Mais la mort du Christ sur la croix n’a pas seulement une portée pédagogique (pour nous montrer jusqu’où le Christ était solidaire), elle a aussi une portée ontologique puisque le Christ, lui qui était de condition divine, a pris la nature humaine, s’est fait solidaire d’elle, et l’a menée jusqu’au Père en passant par la mort et la résurrection. Notre nature humaine est donc assumée, restaurée, régénérée en lui. Sa victoire sur la mort s’étend à toute l’humanité. Et cela, c’est grâce au grand amour du Père “qui n’a pas épargné son propre fils et l’a livré pour nous tous” (Rm 8, 32).

Henri de La Hougue

© Paroisse Saint-Sulpice