21 Nov Le Christ roi de l’univers
(Homélie du Christ roi, année B)
Les mots que nous avons pour parler de Dieu sont toujours limités : quand on dit par exemple que Dieu est « juste », qu’il est « bon », qu’il nous « aime », c’est toujours par approximation, à partir des relations qui existent entre les humains ; mais on comprend bien que ces termes sont toujours imparfaits tellement les notions de » justice », de « bonté » ou « d’amour » sont dépendantes de nos cultures et de nos histoires.
C’est pour cela que Jésus utilise souvent des paraboles pour nous parler du mystère de Dieu ; il veut éviter de nous enfermer dans des concepts trop humains.
Parmi les images que Jésus a souvent utilisées pour nous faire comprendre la présence de Dieu dans le monde, il y a celle du « Royaume de Dieu » ou « Règne de Dieu », notamment à travers cette demande du Notre Père : « que ton règne vienne ! »
Un « royaume« , du point de vue humain, est un lieu qui dépend d’un « souverain », où les personnes qui y vivent sont censées recevoir de ce souverain la sécurité contre les attaques extérieures, pouvoir vivre dans la paix et la justice en échange de leur fidélité au roi.
Le royaume de Dieu qui vient
Dans ce sens, le royaume de Dieu serait le lieu où Dieu serait présent à chacun et à tous ensemble, où chacun pourrait bénéficier des bienfaits de Dieu, vivre dans la paix et la justice, en échange de la reconnaissance de la souveraineté de Dieu dans sa vie. Dieu manifeste sa miséricorde au quotidien à ceux qui acceptent que son « règne vienne ».
En cette fin d’année liturgique, la fête du Christ Roi de l’univers nous permet de mieux comprendre le sens de notre demande quotidienne : « que ton règne vienne ».
C’est d’abord un acte de foi en Dieu qui, à la fin des temps, aura le « dernier mot ».
Le prophète Daniel, dans la première lecture, rappelle cette conviction alors que le peuple connaît l’épreuve de l’exil à Babylone : les différentes dynasties humaines se succèdent, en usant de leurs forces armées pour dominer le monde, mais elles finissent par passer. La domination de Dieu à la fin des temps, elle, ne passera pas et tous les hommes de toutes langues, cultures, religions pourront y trouver leur bonheur.
Comment comprendre cela aujourd’hui ? C’est la certitude que Dieu aura le dernier mot et que les souffrances que nous avons à vivre ici, même si elles sont difficiles à vivre, ne sont que des étapes provisoires :
Nous pouvons comprendre cette espérance en pensant à tout ce qui nous retient prisonnier de ce monde : le mal, les situations d’injustice, la souffrance et la maladie sous toutes ses formes, nos incapacités à faire le bien que nous voudrions faire, tout ce qui nous sépare et nous divise, ou encore nos difficultés à vivre nos activités quotidiennes en relation avec Dieu.
Fêter le Christ roi, c’est donc d’abord proclamer notre espérance en la force du Christ qui est vainqueur du mal et qui nous fera entrer dans son royaume.
Oui, n’ayons pas peur de vivre notre vie, malgré les épreuves que nous traversons, parce que nous avons l’assurance qu’elle se terminera bien.
Le royaume promis par Dieu n’est pas un royaume à la manière humaine.
La 2ème lecture nous présente un royaume où domine la grâce et la paix, un royaume où nous sommes aimés personnellement et tous ensemble, un royaume où nous sommes délivrés de nos péchés, c’est-à-dire de tout ce qui nous divise intérieurement et extérieurement, de tout ce qui nous sépare de Dieu.
Dieu en est le commencement et la finalité. Tout trouve en lui sa source et son achèvement.
Ce royaume n’est pas une monarchie absolue au sens où Dieu déciderait à notre place de ce qui est bien pour nous. C’est un royaume où le pouvoir est partagé : il nous confie la responsabilité du fonctionnement de ce royaume ici sur terre : « Il a fait de nous un royaume et des prêtres ». C’est un royaume dans lequel Dieu se rend accessible et visible à tous ceux qui acceptent sa souveraineté.
Comment mettre en œuvre concrètement un tel royaume ?
Les apôtres avaient espéré que le Christ allait inaugurer ce royaume en manifestant sa divinité de manière éclatante aux yeux du monde.
Malheureusement, le Christ voit bien que l’attachement aux biens terrestres et au pouvoir de la plupart des hommes empêche toute acceptation de la souveraineté de Dieu. L’endurcissement des cœurs est trop profond pour que le Christ puisse « gouverner » sans s’imposer par la force.
D’autre part, le Christ ne veut pas que quelques-uns soient sauvés, mais que tous puissent bénéficier de ce royaume.
Le Christ fait donc le choix d’aller dans le sens inverse de celui attendu par la foule : au lieu d’imposer un royaume de Dieu de l’extérieur, il choisit d’ouvrir la porte du royaume de Dieu par le biais de l’amour : il accepte de mourir pour montrer à tous les hommes que c’est en se faisant serviteur et amis de tous, que nous pourrons vraiment nous préparer à entrer dans ce royaume et le mettre en œuvre dans notre vie quotidienne. C’est le sens de sa discussion avec Pilate dans l’évangile d’aujourd’hui.
Je ne sais pas à quoi vous pensez quand vous dîtes « que ton règne vienne ! ». Pour ma part, je suis tiraillé entre deux interprétations :
La première : « Me voici à ta disposition pour que ton règne vienne dans le vie », c’est-à-dire : « Viens convertir mon cœur pour que je puisse t’accueillir »…
Et la deuxième : « Mais qu’est-ce que tu attends pour changer les choses, pour faire venir ton règne ? » C’est-à-dire : » Viens Seigneur, nous on n’y arrive pas ! »
Je vous propose en cette fête du Christ Roi de prendre simplement le temps de réaliser ce que veut dire pour vous cette demande que vous adressez plusieurs fois par jour au Seigneur : « que ton règne vienne ! » pour que nous puissions le demander avec d’autant plus d’intensité lorsque nous disons ensemble ce Notre Père.