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Au-delà du choc, les petits pas qui nous permettent d’avancer

Au-delà du choc, les petits pas qui nous permettent d’avancer

Lundi dernier Mgr de Moulins-Beaufort, président de la Confé­rence des évêques, annonçait que “11 évêques ou anciens évêques étaient mis en cause par les autorités judiciaires ou ecclésiales ». Cette in­formation faisait suite aux révélations sur l’ancien évêque de Créteil, Mgr Santier, et à une lettre du cardinal Ricard, ancien archevêque de Mont­pellier de Bordeaux, reconnaissant s’être “conduit de manière répréhen­sible avec une jeune fille de 14 ans” lorsqu’il était curé.

Même si les 11 affaires ne sont pas du même ordre, que plusieurs d’entre elles sont déjà connues et jugées (comme la non-dénonciation de pédophiles pour 3 d’entre eux), le choc est rude pour nous tous : im­pressions de trahison de ceux-là mêmes qui dirigent l’Église (mais comment ont-ils pu, en conscience, accepter ces postes s’ils avaient commis de tels actes ?), d’hypocrisie (comment tenir un discours si sévère à l’égard des chrétiens divorcés-re­mariés, ne pas leur permettre l’accès aux sacrements, quand des respon­sables qui ont commis ces faits prési­dent à l’ensemble de ces sacre­ments ?), voire de complicité implici­te ou explicite avec l’ensemble des abus révélés par la CIASE ? Une des premières réactions des internautes à l’article publié dans le journal La Croix a été : “je suis écœu­ré par ces révélations et me demande comment je peux continu­er à être un catho pratiquant !

Je partage cet écœurement avec en plus cette question : “sortirons-nous un jour de ces vagues successives de révélations qui nous submergent ?

Mais, si douloureuse que soit cette nouvelle révélation, si scandaleux soit le contre-témoignage, on ne peut pas rester abattu. Il faut bien avancer, quitte à devoir “patauger dans la gadoue” pendant quelque temps avant de pouvoir sentir sous nos pieds un chemin plus ferme.

Le chemin de vérité face aux abus sexuels est un long chemin, non pas du fait que la vérité serait connue et ne serait révélée qu’au compte-gouttes pour éviter un trop grand scandale, mais parce que l’ampleur de cette vérité se dévoile au fur et à mesu­re aux yeux de tous : aux yeux de la plupart des évêques et des prêtres qui n’en n’avaient pas plus conscience que la plupart des laïcs.

Les bassesses de notre humanité restent bien visibles dans l’Église, y compris dans ses cadres et dans ses structures. “L’Église est sainte”, disons-nous dans le credo, parce que le Christ en est la tête et qu’il la tire sans cesse vers la sainteté, mais ses membres et ses responsables sont pécheurs, depuis les douze apôtres que Jésus avait fait le pari d’appeler malgré leur faiblesse et qui l’ont trahi et renié, en passant par les premiè­res communautés dont Paul nous révèle les querelles de pouvoir, puis à chaque étape de l’Histoire de l’Église. Nous ne serons malheureu­sement jamais débarrassés une fois

pour toutes des scandales venant de responsables de l’Église, parce que le Seigneur continue d’appeler des personnes qui ont les mêmes fragilités que l’ensemble de la population.

La sanctification est un long proces­sus qui prend toute une vie, quel que soit notre mode d’engagement dans l’Église. Les évêques et les prêtres sont certes censés avoir une vie de prière fidèle à l’Évangile qu’ils prêchent – et je pense que la plu­part s’y efforcent sincèrement – mais ils ont aussi des tentations liées à la place, souvent trop centra­le, qu’ils occupent dans nos com­munautés ou dans l’accompagne­ment personnel des fidèles. C’est de là que peuvent naître les différents abus.

Pour progresser dans ce domaine, il me semble nécessaire de bien dis­socier le “sacré” du “sacrement. Sacraliser une personne c’est la considérer comme étant “à part”, “du côté de Dieu”. Cette sacralisa­tion est néfaste et elle fausse le sens des sacrements qui, au contrai­re, ont pour but de permettre aux chrétiens de toucher du doigt l’extraordinaire de Dieu dans leur vie quotidienne.

L’ordination est un sacrement, au service de toute l’Église : les évê­ques, les prêtres et les diacres sont ordonnés au service de l’Église et ils ne doivent jamais en être le centre, y compris dans la célébration eucharistique. Et la meilleure aide que l’on puisse apporter à l’Église et aux ministres ordonnés est de collaborer à leur ministère, en les considérant simplement comme “uns parmi les autres” et en n’hési­tant pas, si nécessaire, à être capable de correction fraternelle avec eux, comme avec les autres. Sans doute des réformes de nos habitudes sont-elles nécessaires pour y parvenir, de tous les côtés, y compris par des petites choses tou­tes symboliques comme la possibi­lité d’appeler les prêtres par leur nom de baptisés plutôt que par des titres…

Alors comment continuer d’avancer quand les structures sont éprou­vées ? Ces épreuves nous ramènent au cœur de la foi. Pour continuer à avancer, il faut s’appuyer sur le Christ et sur les “perles” que nous pouvons découvrir au cœur de notre vie d’Église, car ces “perles” sont bien présentes, chaque fois que nous progressons dans la vie fraternelle, que des catéchumènes cheminent à la suite du Christ, que nous nous engageons au service de nos frères, que des personnes en souffrance peuvent trouver dans l’Église un soutien et un réconfort, qu’une maturité humaine et spiritu­elle s’installe dans nos vies familia­les, que l’Évangile prend une place grandissante dans notre vie. Nos propositions paroissiales : dîners et apéritifs conviviaux, actions sociales diverses, église ouverte et accueil­lante pour les fidèles et pour les gens de passage… peuvent paraître bien modestes face aux défis de la société. Mais au cœur de tout cela, il y a chaque jour de nouvelles “perles” que l’on découvre : des moments de libération, de joie simple et profonde, des petits pas qui nous font vraiment avancer. Je suis certain que chacun d’entre nous pourrait en dresser une liste.

Alors si je continue à être un “catho pratiquant, malgré les scandales”, (pour reprendre la question posée par l’internaute) c’est parce que le Christ est toujours bien présent et qu’il nous appelle tous à œuvrer, avec nos limites, à rendre notre Église plus sainte et le Royaume de Dieu plus présent.

Henri de La Hougue